
lundi 14 août
Comment ne pas anticiper par l'écriture les quinze jours à venir. Une petite semaine de poésie sauvage à la Salvetat. "Éblouïssements" à tous les niveaux : poésie, amitiés, rencontres et altitude. De quoi s'émerveiller vraiment ! Et poursuivre par un séjour d'allègement et de déconditionnement à la Perruche du Buis où l'écriture de haikus aura pleinement sa place. Dix femmes au rendez-vous de la cure et un poète tantôt empoté tantôt aventurier. Je tiendrai chroniques et images de ces journées folles.

Glisser jusqu'à "l'éblouïssement"
jeudi 17 août
Comme je n'ai pas cessé de le dire, le titre ou thème du festival est " éblouïssement" avec un tréma. Cette audace on la doit à Jean-Marie de Crozals et à son équipe de bénévoles. Pas facile de préparer ce chapelet d'interventions. Trois jours où se succèdent auteurs, éditeurs, danseurs et musiciens.
Une aventure de plus au compteur du poétibus, garé en pente cette nuit, et offrant au corps des glissades mémorables.
Bien entendu, si vous n'habitez pas à plus de 40 km de la Salvetat sur Agout, venez goûter à cette pépite de paroles et de beauté. Laissez vous éblouir.
Le souffle de la traversée
jeudi 17 août

Ça y est, une sorte d'ivresse s'empare de moi. Liée peut-être à l'air des monts de Lacaune ou de la salvetat, ainsi qu'aux êtres fantastiques rencontrés dans les circonstances du festival. Tout à l'heure, avant de me rendre à Saint Pons chercher Michel Raji danseur du souffle, je dis à Ma. qu'au retour pour être présent au repas, je mettrai des ailes au poétibus. Elle me répond que ça lui irait bien, que de lui, on n'attend que ça, le voir voler. Michel Raji est arrivé à l'heure. Je jure que le voyage retour ne s'est pas passé comme à l'aller. Le poétibus, pourtant dans le mouvement ascensionnel et lourd de tout ce que je lui demandais de porter, semblait très léger, comme investi d'un souffle particulier.
Oui je peux parler d'allégresse et de vélocité.
Tout cela sans risque évidemment, et non voulu. Une expérience difficilement partageable. Une traversée de l'espace et du temps en camion...
Il fait sa ronde
La nuit tombe sur le carré magique de Saturne. Michel Raji nous en a ouvert des arcanes.
L'ami P. qui porte le même prénom que moi, m'a fait lecture de deux de ses poèmes. Un verbe délicat, précis et profond habite le cœur de cet homme sensible.
Il est l'heure pour moi d'aller saluer les étoiles. Mon camion sommeille à cinquante mètres d'ici, cette fois c'est transversalement, je ne me ratatinerai pas.

J'ai écrit tout à l'heure une note de lecture à propos du livre de Jean-Marie de Crozals que je n'avais fait que survoler jusque là. Je terminerai l'aventure de ce jeudi là dessus.
J’ouvre l'avant-dernier livre de Jean-Marie de Crozals : Cantique quantique du cercle. Si le titre m’effraie autant qu’il m’interroge, je me plonge avec intérêt dans le contenu très aérien de ses pages. Le poète nous donne à lire, comme il en a l’habitude, des poèmes brefs, frôlant le vertige de la pensée, cotoyant l’abîme et s’appuyant sur le vide ; des textes sobres et percutants, ne renonçant pas pour autant à la belle ouvrage. Le cantique dont il est question est un chant spirituel autour de l’Enso. Le cercle des lumières du bouddhisme (enso), autant dans son essence que dans les expressions graphiques de Mariella (compagne du poète), est interrogé par ce dernier. Il lui donne des noms, l’analyse, le compare, le contemple et le qualifie à l’aune de sa propre recherche comme de son itinéraire spirituel. Il n’a de cesse d’en faire le tour, de ne rien oublier de sa profondeur et de ses mystères.


Il fait sa ronde
et s’ouvre entier au passage
***
Cible invincible
Trou d’âme
***
Lasso du vertige
***
On n’y entre qu’en le quittant
On y creuse sans le trouver
Au point de non-retour il arrondit sa moitié perdue
Plus j’avance dans la lecture et l’attention aux remarquables encres de Mariella Laneta, plus je m’aperçois que ce long poème fait de fragments, n’est pas qu’une déclaration
d’amour au cercle japonais, mais peut-être bien – j’ai la chance de connaitre le merveilleux couple – une déclaration d’amour déguisée à celle qui les calligraphie. J’en veux pour preuve :
entre en sa sève refaire peau neuve
entre dans l’étreinte insondable
et plonge
pousse la porte
elle est ouverte
passe – sans- porte
pour habiter la voie
ou encore
puits d’amour et de grâce
ourlet de transe
ultime œillet d’âme

Et donc, le passage quantique qui m’effrayait un peu dans le titre serait celui là, passerelle poétique et intemporelle de l’enso à la femme aimée du cercle à celle qui silencieusement le produit. Mais peut-être que je m'égare. En tous cas vous pouvez à votre tour lire ce livre et qui sait y trouver d'autres choses encore.
En attendant...
Pas eu le moindre temps vide aujourd'hui pour écrire cette chronique. Je le fais sur le pouce avant d'enchaîner avec le concert du soir, orgue d'abord et saz
chanté en seconde partie, dans l'église sainte Étienne de la Salvetat. Le poétibus a reçu un peu plus de vingt personnes du matin au soir entre les différents évènements. Animations improvisées autour des poèmes. Un régal !
Demain vernissage de mon expo photo à 10 h 15. J'attends ce moment avec impatience, voir si les poètes sont davantage portés à apprécier les images que le public lambda.
Dans l'après-midi, sur la scène une belle prestation d'Eve Fouquet et de Délia Kaabi.


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